L’Encyclopédie méthodique et le droit

Le 8 décembre 1781, le Mercure de France publiait le prospectus d’une gigantesque refonte de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : selon le format, l’entreprise devait comporter quarante-deux ou quatre-vingt-quatre volumes «de discours», accompagnés de sept volumes de planches. L’annonce portait l’adresse du Parisien Panckoucke et du Liégeois Plomteux. L’Encyclopédie méthodique par ordre de matières prenait ainsi place parmi les grands projets encyclopédiques dont P.P. Gossiaux a retracé l’histoire en forme de jeu d’échecs, dans la tension des concurrences que dessinent De Felice à Yverdon ou Duplain à Lyon. La participation liégeoise, appuyée d’abord sur cinq mille souscriptions, trébuchera bientôt dans les déboires…

La réécriture de certains articles de droit dans l’Encyclopédie méthodique, par rapport à l’Encyclopédie, a été évoquée lors du XIIe Congrès international des Lumières (Montpellier) par Mme Ethel Groffier (McGill University). Celle-ci, soulignant combien «la discipline a peu retenu l’attention à l’époque ou à l’heure actuelle», a posé notamment les questions de savoir dans quelle mesure les deux entreprises avaient respectivement atteint un objectif de «servir de bibliothèque… à l’homme du monde» et avaient constitué un facteur de progrès dans les domaines de la répression pénale et de l’esclavage. La comparaison donna l’occasion de mettre en évidence la référence, dans la Méthodique, à des auteurs comme Joseph-Michel-Antoine Servan (Discours sur l’administration de la justice criminelle, Yverdon, 1767), Guillaume-François Le Trosne (Vues sur la justice criminelle, Paris, 1777; Gallica), Jacques-Vincent Delacroix (Réflexions philosophiques sur l’origine de la civilisation, et sur les moyens de remédier à quelques-uns des abus qu’elle entraîne, Amsterdam-Paris, 1778), etc. Mme E. Groffier traita en particulier des progrès enregistrés, dans les années précédant la parution de la Méthodique, en matière d’abolition de la question préparatoire et d’assainissement des prisons, même si les causes de la criminalité et la question de la réhabilitation des forçats occupa peu à cette époque les réformateurs du droit.

Des relations entre l’Encyclopédie méthodique, le Dictionnaire universel de Robinet et la pensée de Condorcet sont également apparues lors de la communication présentée lors du même Congrès par Mme Magalie Alibert (Université de Montpellier I). Traitant de «Condorcet et l’abolition de la peine de mort : un autre choix de justice», l’exposé mit en évidence la théorie de l’héritier des Lumières selon laquelle l’abolitionnisme constituait «un des moyens les plus efficaces de perfection de l’espèce humaine». Le député de la Convention restera donc «fidèle à ses principes en refusant de voter la mort de Louis XVI en dépit d’un autre vote qui reconnaît sa culpabilité». La communication se proposait donc «de mettre en tension : 1/ son refus de la peine capitale pouvant entraîner la mort d’innocents et de fait la possibilité d’erreurs de jugement issues de la volonté du législateur et 2/ sa demande à la Convention d’un vote de lois qui puisse créer un système complet d’instruction publique». D’autres communications de la session «Droit» portaient sur l’humanisation et les progrès d’une justice socialement plus efficace (S. Naoko, «Punir la désertion : à la recherches peines utiles à l’État»). Le Traité des délits et des peines de Cesare Beccaria – en principe contrefait à Liège par Plomteux – se trouvait naturellement au centre des débats, en particulier à travers les échos fournis par le Dictionnaire universel de Robinet.