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INDEX DE L'ESPRIT DES JOURNAUX | ARTICLES DE L'ESPRIT DES JOURNAUX
Le Voyageur chinois
The Chinese Traveller, containing a geographical, commercial, and political history of China. To which is prefixed, the life of Confucius, the celebrated chinese philosopher, etc. c'est-à-dire, le Voyageur chinois, contenant l'histoire géographique, commerçante et politique de la Chine, avec la vie du célèbre philosophe chinois Confucius, etc. 2 vol. in-12. à Londres, chez Dilly.
L'ESPRIT DES JOURNAUX, 15 janvier 1773, Tome I, Partie I, p. 59-63 [Réf. Gedhs : 730113]
Les mœurs des Chinois sont si différentes de celles des Européens, que tout ce que nous en disent les relations est à peine croyable. Les auteurs de ces pièces ont d'autant plus beau jeu à nous en imposer, qu'on voyage rarement en Chine; mais aussi c'est ce qui nous fait souvent regarder ce qu'ils nous en racontent, comme suspect. Il était essentiel pour l'ouvrage, dont il s'agit, que l'auteur fût tellement sur ses gardes, dans le choix des relations dont il s'est servi, qu'en prenant dans les unes de quoi remplir les vides des autres, il évitât de tomber, par crédulité, dans le défaut de plusieurs auteurs qu'il a copié.
La manière de prendre les oiseaux aquatiques à la Chine, dans l'Inde et le Mogol est fort curieuse. L'oiseleur entre dans l'eau, de façon qu'il n'a que la tête au dehors, couverte d'un pot criblé de trous, pour y laisser passer l'air et pour voir lui-même. Ce pot est tout couvert de plumes pour tromper les oiseaux, de sorte qu'en approchant d'eux, en marchant sous l'eau ou en nageant, il ne puisse pas les effaroucher. Alors l'oiseleur les prend par les pattes, les tire dans l'eau, et les autres croyant que leurs compagnons plongent, sont si peu troublés, qu'ils n'agent aux environs de la place où les autres ont été pris, et jusqu'à ce qu'ils le soient à la fin eux-mêmes de la belle manière.
Dans la crainte que ce récit ne fût pas assez intelligible, on trouve une planche représentant une demi-douzaine d'oiseleurs, dans les différentes attitudes qu'il faut prendre, pour attraper la proie. Ces peuples doivent savoir bien parfaitement nager pour se tenir droits dans une eau profonde et la tête seulement au dehors; et être bien sûrs de leurs mouvements, pour ne pas effaroucher ces oiseaux par leur approche. Les oiseaux doivent aussi être bien bons de se laisser prendre par les pattes, sans faire le moindre cri qui effraie les autres.
Si les Chinois, dit l'auteur, étaient plus honnêtes à l'égard des étrangers pour ce qui concerne leurs travaux et leur industrie, ils feraient des marchands parfaits, mais il est rare qu'ils ne trompent pas ceux qui ont affaire à eux. Ils falsifient tout ce qu'ils vendent. Ils contrefont si parfaitement des jambons de porc, qu'on y est très souvent trompé, et qu'après les avoir fait bouillir longtemps on ne trouve à la fin qu'un morceau de bois sous la couenne.
Leur adresse à tromper est encore plus extraordinaire dans leurs fripons et leurs voleurs qui percent les plus épaisses murailles, brûlent les portes et y font de grands trous, par le moyen d'un engin qui brûle le bois, sans qu'il donne de flamme. Par ce moyen ils entrent dans les maisons, et avec une drogue dont la fumée trouble les sens, ils jettent les gens dans un profond sommeil et parcourent tous les appartements, sans être aperçus. On est tout surpris le matin de se trouver sans rideaux de lit, de voir la chambre dégarnie, les tables, les armoires, les coffres, enfin que tout est enlevé, sans remarquer aucune autre trace de voleurs que le trou par lequel ils ont vidé la maison. C'est sans doute une grande preuve de leur adresse, dit le journaliste, et une circonstance heureuse pour les voleurs, que la fumée de cette drogue n'ait aucun effet sur eux : cette façon d'endormir uniquement ceux que l'on veut voler, ne s'accorde pas avec ce qu'on dit, que par la diligence de la police de Pékin, il est rare qu'une maison soit volée, pendant le cours de plusieurs années.
Nous ne disons pas, continue l'analyste, que ces volumes soient tous remplis de traits de cette espèce; on y trouve les relations données par les missionnaires Jésuites… et ceux qui n'ont pas la commodité ou la faculté d'user de l'original, peuvent s'amuser de cette compilation.
Quoique industrieux et sobres, la prodigieuse quantité d'habitants occasionne une grande misère; il y en a qui sont si pauvres qu'ils manquent des choses les plus nécessaires à la vie. (Il veut dire les enfants.) On les expose dans les rues, surtout lorsque leurs mères tombent malades ou perdent leur lait; de sorte que la plupart de ces innocents sont condamnés à la mort, pour ainsi dire, en ouvrant les yeux à la lumière. Cette inhumanité est commune dans les grandes villes, comme à Pékin et à Canton, mais elle est plus rare dans les autres.
C'est ce qui a engagé les missionnaires d'instruire plusieurs catéchistes dans les villes fort peuplées, et de les faire promener tous les matins dans tous les quartiers, pour baptiser les enfants mourants.
Par le même zèle et les mêmes vues, ils ont engagé les sages femmes infidèles, de permettre que les femmes chrétiennes les accompagnent dans les maisons où elles sont appelées, parce qu'il arrive souvent que des Chinois hors d'état d'entretenir une nombreuse famille, ordonnent à ces sages femmes de noyer les filles, dans un bassin d'eau, au moment de leur naissance et les femmes chrétiennes les baptisent et procurent par là à ces innocentes victimes une vie éternelle pour une temporelle et passagère que leurs parents leur font ôter.
Cet ouvrage contient par ordre : la vie de Confucius, – description général de la Chine – description de la grande muraille qui sépare la Tartarie de la Chine – description de Nankin – de Canton – de Pékin – de la police et du gouvernement de la Chine – de la monnaie – du commerce, etc. – de l'agriculture et des jardins – des arbres, des arbrisseaux, et des plantes – de la langue – abrégé de la grammaire chinoise – des sciences des Chinois – de leurs arts et manufactures, – de leurs mœurs et de leurs usages – de leur habillement – de leurs fêtes et de leurs récréations – de la grandeur des Chinois dans leurs voyages; et dans leurs arcs de triomphe et de leurs tours – des rivières, des lacs, des volcans – des fossiles, des animaux, des oiseaux et des poissons – de l'état de la physique ou médecine à la Chine.
On peut juger d'après ceci que elle que soit la négligence de l'éditeur, on ne lira point ces deux volumes sans quelque plaisir.
[The Critical Review]
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