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INDEX DE L'ESPRIT DES JOURNAUX | ARTICLES DE L'ESPRIT DES JOURNAUX
Essai sur les phénomènes de la nature
Essai sur les phénomènes de la nature, pris dans les éléments et les trois règnes des animaux, végétaux et minéraux, en forme de dictionnaire. À Bouillon, aux dépens de la société typographique. 1773.
L'ESPRIT DES JOURNAUX, 15 novembre 1773, Tome V, Partie I, p. 44-49. [Réf. Gedhs : 731106]
On ne peut remarquer, sans reconnaissance et sans plaisir, des hommes célèbres faire de continuels efforts pour reculer les bornes de nos connaissances, et forcer, pour ainsi dire, la nature à leur dévoiler ses secrets en la menaçant de les deviner. Nous rapporterons quelques articles de cet ouvrage, pris au hasard, et qui donneront une juste idée du reste.
«Il survint, en 1754, à la dame Deledeuille, veuve, de la paroisse de St. Nicolas de Tournai en Flandre, une corne à la partie postérieure de la cuisse gauche, 4 travers de doigts au-dessus du jarret. En 1758, cette dame en ressentait des douleurs très vives, par la séparation d'une partie de cette corne à la racine. Cette excroissance n'étant plus soutenue que par une partie, grosse comme un tuyau de plume à écrire, il se faisait un tiraillement continuel, qui augmentait la douleur au moindre mouvement que faisait cette dame; on en fit l'extirpation, et la malade fut guérie radicalement»
«Une autre femme, des environs de la même ville de Tournai, eut une pareille corne à la partie moyenne et interne de la cuisse droite. Elle avait 10 pouces 8 lignes de longueur, 3 pouces de grosseur à sa vase, et 14 lignes à son extrémité. Dans l'espace de 17 ans, cette femme la coupa plusieurs fois, et elle repoussa toujours. En 1756, la corne tomba d'elle-même, et sa racine tomba aussi peu après. Des douleurs horribles, un ulcère cancéreux, un dessèchement de la cuisse, une contraction de la jambe et de la cuisse, et n enfin, la mort, furent les suites funestes de cette chute.»
Sous le règne de Henri IV en 1599, un paysan, nommé Trouille, du pays du Maine, âgé de 35 ans, avait une corne à la tête à peur près comme celle d'un bélier.» Dans le Supplément du Journal des Savants, pour le mois d'août 1772, pag. 132, on lit la description envoyée par le cardinal de Médicis, au P. Libelli, maître du sacré palais à Rome d'une corne prodigieuse, qui était venue sous la jambe d'un homme à la suite d'une plaie qu'il avait négligée.
«Quoique la nature semble donner dans des écarts singuliers, nous doutons fort qu'on puisse la trouver plus étonnante et plus déréglée, que dans le sujet dont nous allons parler. Ce monstre vint au monde à Berlin, le 19 février 1755 : c'était un vrai cyclope, dont la tête énorme et le visage affreux n'inspiraient que de l'horreur à tous ceux qui le virent. Sur un large et vaste front, on apercevait d'abord un il unique et bien fendu, grand, mais tortu, plutôt rougeâtre que blanc enfoncé dans un trou quarré, sans être couvert de sourcils, ni de paupières; le regard en était farouche et menaçant. Immédiatement au-dessus de cet il hideux, se trouvait une excroissance, assez épaisse et cylindrique, qui représentait, au naturel, un membre viril, pourvu d'un canal ouvert, en forme d'urètre, d'un gland et d'un prépuce, qui, à cause de sa situation, couvrait la plus grande partie de cet il affreux; comme si la nature honteuse de son ouvrage avait voulu cacher sa turpitude sous un masque plus horrible encore que la chose même! Ce trou quarré dans lequel l'il unique était placé n'était qu'à 4 ou 5 lignes de l'ouverture de la bouche, et l'excroissance dont nous venons de parler occupait la place naturelle du nez, qui manquait absolument, en sort que l'il était entre la bouche et cette excroissance. La peau extérieure de la tête, couverte de cheveux était tout à fait détachée de la partie postérieure du crâne, et formait une espèce de calotte ou de bonnet large, retroussé, qui descendait au-delà de la nuque. Ce cyclope, si semblable à celui dont Virgile fait la description, naquit de la femme d'un pauvre ouvrier en line nommé Horrack, l'un et l'autre originaires de Bohême. Cet enfant monstrueux vint à terme, après un accouchement laborieux.» Ce fait est rapporté par M. de Haller, de l'académie royale des sciences de Berlin.
«Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessé, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse l'an 1685, environ la mi-octobre; elle sentit remuer son enfant le jour de la chandeleur, et entendit, le vendredi saint suivant, trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris 3 ou 4 fois le jour, et à chaque fois, 4, 5 cris, et même jusqu'à 8 et 9, fort distincts, et semblables à ceux d'un enfant nouvellement né; mais quelquefois avec de tels efforts, qu'on voyait l'estomac de cette femme s'enfler, comme si elle eût dû étouffer.» Jour. des Sav. et de Méd.
«L'espèce humaine est un trésor inépuisable de recherches, soit par sa constance et sa fécondité dans ses productions, soit par les écarts hardis, et toujours merveilleux. Si elle dégénère et s'abâtardit quelquefois, elle fait bientôt des efforts pour se relever, en enfantant des êtres nouveaux, qui sont pour nos yeux, des prodiges de force, pour nos esprits, des motifs de réflexions les plus profondes, des aiguillons très vifs pour notre curiosité, et pour le commun des hommes, un sjuet d'admiration continuel. En voici un exemple frappant. Jean Gille Loustain naquit le 15 novembre 1764, dans la paroisse de S. Georges, évêché de Rennes. Jusqu'à l'âge de 21 mois, il n'offrit rien de remarquable : il apparaissait seulement plus fort et mieux nourri que le commun des enfants de cet âge. Ce fut pour lors qu'il devint d'une grosseur extraordinaire, et qu'il prit une croissance très rapide. À 30 mois environ, il avait la tête fort grosse, et la voix pleine et forte. La circonférence de son corps, mesurée sous les aisselles, qui n'étaient pas garnies de poils, étaient de 20 pouces, et sur le nombril, de 24. Cet enfant levait de terre, sans se fatiguer et en se jouant, un poids de 36 livres.»
Voici un phénomène qui n'est pas moins surprenant, il s'agit de l'homme porc-épic. «Il vivait encore en 1766, et fut vu par M. Ascanius, docteur en médecine, et de la société royale de Londres. Il est né de parents sains et bien conformés; il a eu des frères et des surs qui n'avaient rien de difforme
Ce ne fut que 5 ou 6 semaines après sa naissance, qu'on aperçut sur son corps une infinité de petites excroissances, que l'on prit pour l'effet de quelques maladies de la peau
On découvrit bientôt que c'étaient des soies qui avaient une consistance de corne. On tenta toutes sortes de moyens pour en arrêter les progrès; ce fut en vain : elles s'accrurent, et firent échouer toutes les ressources de l'art
Son corps était garni de ces pointes de corne, à l'exception de la tête, de la paume de la main et de la plante des pieds
Elles avaient 6 lignes de longueur, et 2 ou 3 de grosseur, et elles étaient implantées perpendiculairement dans la peau, comme on l'observe dans les hérissons
Toutes les automnes, ses soies tombaient et renaissaient après
Il avait eu un morceau de chair emporté à la jambe : la place était nue, et n'était couverte d'aucune de ces soies. À l'âge de 20 ans, il fut attaqué d'une petite vérole confluente; tout son corps se dépela en très peu de temps; mais après sa guérison, les soies repoussèrent comme auparavant. Du reste, il a toujours joui d'une bonne santé
Mais qui pourrait le croire? Cet homme sauvage était devenu amoureux, et avait su rendre sensible une jeune fille, à laquelle il s'est uni par les nuds du mariage. Il a eu de ce mariage six enfants, tant filles que garçons; tous étaient constitués comme lui, et également couverts de cornes. Il ne reste plus qu'un garçon»
Nous croyons que cet essai sera lu avec intérêt; nous désirons qu'il donne à quelque savant l'idée de rassembler dans un recueil complet tous les phénomènes de la nature, épars çà et là dans une si grande multitude de volumes, qui ne sont pas à la portée de ceux qui pourraient s'en amuser, ou y trouver quelque instruction.
(Journal Encyclopédique)
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