Project Description

PRÉSENTATION

Imagopapae est un projet de recherche visant à étudier la représentation du pouvoir papal au temps de la papauté en Avignon, c’est-à-dire à partir du règne de Clément V (1305-1314), le premier pape à s’être installé dans la ville provençale en 1309, jusqu’à celui de Grégoire XI (1370-1378), dont la mort en 1378 marque le début du Schisme d’Occident.

La zone géographique examinée concerne principalement les terres de droit pontifical d’ancienne et de récente acquisitions : en Italie, Rome et le Patrimonium Petri, en France, Avignon et le Comtat venaissin.

La représentation du pape constitue une question iconographique particulière, qui demande à être appréhendée de façon singulière en raison d’une complexité sémantique déterminée par des implications ecclésiologiques (Belting 2009 ; Olariu 2009, 2014).

Le discours théologique développé depuis le milieu du XIe siècle (et bien mis en lumière par les travaux de Paravicini Bagliani), sur la base duquel on dissociait la « personne physique » du pape, caduque et mortelle, de la « persona papae », « qui non moritur », commença à se fissurer quand les papes ne se contentèrent plus, comme à l’époque d’Innocent III (1198-1216), d’une autoreprésentation stéréotypée visant à mettre en scène l’Ecclesia. À partir de Nicolas III (1277-1280) (Gardner 2003 ; Belting 2003 ; Romano 2004), et surtout avec Boniface VIII (1294-1303), de manière nouvelle et décisive, s’imposa un mode de représentation qui combinait la « personne physique » du pape avec celle de l’institution ecclésiastique. Désormais, l’Église se donnait à voir à travers le visage réel du pape, en conformité avec la pensée théologique formulée par Gilles de Rome, selon laquelle « papa potest dici Ecclesia » (Paravicini Bagliani 2009, 2013 ; D’Alberto 2015).

Fondées sur un paradigme critique bien établi, les images papales produites par la curie romaine à la fin du XIIIe siècle allaient être des outils de propagande pour transmettre un message très précis : la référence de la Chrétienté occidentale ne devait plus être Rome, mais la personne sainte du pape. Mais que se passa-t-il quand la papauté s’installa en Avignon, en 1309 ?

À la suite des événements tumultueux qui déterminèrent ce déplacement et occasionnèrent un séjour appelé à se prolonger, sans interruption, jusqu’en 1368, les papes durent tout réorganiser: l’administration bureaucratique, la ville – jusque-là siège d’un tranquille évêché provençal – et surtout une politique qui tint compte de l’ingérence exercée par la couronne française alliée, du conflit avec l’Empire, et de la distance avec Rome, alors même que la ville éternelle gardait intacte sa haute valeur symbolique. Pour contenir des dynamiques aussi pressantes, les papes français n’avaient d’autre choix que de renforcer progressivement la base théocratique de leur pouvoir, en suivant les traces – c’est un paradoxe historique ! – de Boniface VIII, dont le procès posthume ne prit fin qu’en 1313.

C’est ce qu’a bien cerné la littérature historique, dont les enquêtes ont porté principalement sur la pratique liturgique. Mais la question de savoir si le modèle de la maiestas papale avignonnaise a donné lieu à une campagne programmatique d’autoreprésentation, reste encore à élucider.

Il est clair, en tout cas, qu’en Avignon, les papes ont pris le parti de perpétuer leur effigie dans des tombes très différentes des tombes de type romain du XIIIe siècle (Gardner 1992 ; Id. 2014 ; Garms 1994). Les tombes avignonnaises se présentent comme de grands reliquaires en pierre, dans lesquelles les restes mortels sont comparés à des reliques miraculeuses (Olariu 2009, 2014 avec bibliographie). On sait très peu de choses, en revanche, sur la façon dont les papes ont géré leur propre image de leur vivant (cf. Castelnuovo 1991, 2009 ; Osborne 1991 ; Merindol 1994 ; Bolgia 2002, 2015 ; Anheim 2007, 2014 ; Wolf 2007 ; Lucherini 2012 ; D’Alberto 2013, 2015).

En tenant compte de ces axes de réflexion, nous mettons au point :

  • un corpus des images papales conservées et perdues en distinguant :
  • les images exposées publiquement soit de façon autonome soit dans des contextes narratifs (peintures, sculptures, vitraux);
  • les images dont la destination était privée ou semi-publique (enluminures et orfèvreries)
  • un corpus des œuvres théologiques, liturgiques et juridiques écrites par les plus importants historiens, canonistes et théologiens actifs à la curie papale d’Avignon.

La combinaison de ces deux corpus revêtira la forme d’un atlas iconographique informatisé qui rendra compte de nos recherches. Parallèlement, un colloque international sera organisé dont nous dirigerons la publication des actes.

Chaque pontificat (des sept ici pris en compte) sera donc analysé de telle sorte que les relations entre les écrits, la politique et les autoreprésentations soient mises en évidence. Nous mettrons les choses en perspective en les situant par rapport aux antécédents de la curie romaine du XIIIe siècle et par rapport aux mutations qui ont conduit de la représentation médiévale au portrait papal moderne.

INSTITUTIONS PARTENAIRES

Società Internazionale per lo Studio del Medioevo Latino ‘SISMEL’, Florence ; Musée du Petit Palais et Palais des Papes, Avignon ; Centre Interuniversitaire d’Histoire et d’Archéologie Médiévales ‘CIHAM’, Lyon-Avignon ; Biblioteca Apostolica Vaticana ; Centre de Recherche en Histoire du Droit et des Institutions de l’Université Saint Louis de Bruxelles ; Università di Roma La Sapienza ; Università degli Studi di Ferrara ; Università degli studi « G  : D’Annunzio » Chieti-Pescara.