YAFTEH, IRAN

Fouilles de Marcel Otte & Damien Flas

Entre vos mains, vous tenez l’une des publications récentes consacrées au Paléolithique du Zagros. Nos propres fouilles furent entreprises dans la province du Luristan, en Iran, en 2005 et 2008. Loin d’être terminés, ces travaux de terrain requièrent néanmoins un bilan, à vocation exhaustive mais dans un état très partiel de cet ensemble de recherches. Pour notre part, nous avons édité une monographie consacrée aux études sur les collections conservées à Téhéran, à Philadelphie, à Yale et à Columbia. Ensuite, nous avons organisé un colloque à ce sujet dans le cadre du Congrès UISPP, tenu à Lisbonne en 2006. L’immense richesse des sites paléolithiques largement méconnus, fut ainsi révélée autant par nos prospections, les collections étudiées et les nouvelles recherches sur terrain, rassemblées à Lisbonne. En réalité, l’Aurignacien (ou le « Baradostien ») s’étend à d’innombrables sites du plateau iranien et seule cette tradition semble y être présente pour l’ensemble du premier Paléolithique supérieur « régional », soit du Zagros aux déserts centraux. Un terrain culturel gigantesque, directement lié à l’Europe, s’ouvre, de la Chine au Caucase, semblant constituer un énorme réservoir démographique et culturel. À tout le moins, cette entité gigantesque doit-elle être considérée dans toute tentative d’explication des brusques changements observés depuis si longtemps en Europe.

Cette richesse avait déjà été pressentie par Dorothy Garrod qui avait désigné cette région comme l’épicentre de l’Aurignacien. Toujours dans le Caucase, mais du côté irakien, Ralph et Rose Solecki ont fouillé le vaste complexe des grottes et d’abris à Shanidar. Outre les sépultures moustériennes, ils reconnurent une tradition identique à celle décrite par Dorothy Garrod, de l’autre côté de la chaîne montagneuse. Ralph Solecki conseilla alors sagement à Dorothy Garrod d’utiliser un terme neutre « Baradostien » (de la vallée proche de Shanidar) et provisoirement, à la place d’Aurignacien « afin de ne pas agacer les Français » ! (Solecki, communication personnelle). Tout au contraire, dans une synthèse récente, Henri Delporte, pourtant très français, situe précisément l’origine de l’Aurignacien la « plus probable » dans ces régions du Zagros et en Asie Centrale, bien davantage qu’au Levant où certains voulaient la voir.

Entre ces déjà anciennes recherches et les nôtres actuelles, divers travaux ont été menés sur le matériel, extrait du territoire iranien ou iraquien, mais resté accessible à toute nouvelle recherche fondée sur les techniques lithiques. Particulièrement, Harrold Dibble et Deborah Olszewski et Philip Smith ont consacré diverses études sur ces sujets complexes. Les inventaires de Philip Smith ont démontré la richesse de ce patrimoine. Harrold Dibble et, surtout, Deborah Olszewski insistèrent à la fois sur le caractère aurignacien de ces ensembles et sur la probabilité d’une origine locale de cette tradition émergente. Aucune information, à ce jour, ne semble s’opposer à cette théorie, mais les données radicales font encore défaut. Essentiellement, ces études étaient fondées sur les collections de Warwasi, site inaccessible aujourd’hui pour des raisons de sécurité. Ainsi, seules les collections conservées à Philadelphie posséderaient la clef de cette hypothétique transition entre « Moustérien du Zagros » et Aurignacien régional.

Tous ces éléments accumulés ne pouvaient que stimuler notre propre entreprise, toujours en cours actuellement. Après des campagnes de prospection, notre choix s’est porté sur la grotte de Yafteh, fouillée dans les années 1960 par Franck Hole (Yale). Ses rapports avaient clairement démontré une longue séquence stratigraphique intacte, à travers tout ce « Baradostien » au cœur du Zagros. Or les dates 14C remontaient jusqu’à 41 mille ans ! Tout y indiquait une potentialité, largement restée intacte, autant d’après les plans de fouilles que par les informations directement fournies par le plus cordial des collègues.

Pour des raisons administratives complexes, voire incompréhensibles, il ne nous a pas encore été possible de poursuivre ces recherches sur terrain. Il nous a donc paru opportun de concentrer nos efforts sur l’étude et la publication, que nous espérons tout provisoire.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

ERAUL 132
Marcel OTTE, Sonia SHIDRANG & Damien FLAS (eds)
L’Aurignacien de la Grotte Yafteh et son contexte (fouilles 2005-2008)
The Aurignacian of Yafteh Cave and its context (2005-2008 excavations)
2012, 165 p., NB
ISBN 978-2-930495-18-7