« Giulio intanto, essendo molto dimestico di messer Baldassarri Turrini da Pescia, fatto il disegno e modello […] un palazzo » : Vasari célèbre ici la commande la plus brillante de Baldassarre Turini. Cette villa somptueuse et décorée par les talentueux élèves de Raphaël n’est pas l’unique réalisation dont il souligne les qualités. Des tableaux commandés à Léonard de Vinci, une chapelle où intervint Raffaello da Montelupo, des liens d’amitié avec Raphaël : Turini est souvent présent dans le récit vasarien. Dans mon mémoire, je me suis penchée sur le rôle artistique de ce personnage, qui n’avait que sporadiquement suscité l’attention des spécialistes. Fondant ma recherche sur une abondante documentation archivistique, essentiellement épistolaire, conservée à l’Archivio di Stato de Florence, j’ai voulu montrer comment, à l’occasion de plusieurs commandes pontificales, Turini se vit confier des fonctions d’intermédiaire artistique. Il supervisa des projets de grande ampleur et entra ainsi en contact avec les artistes les plus remarquables de son temps. J’ai mis en lumière ses premiers pas en tant que proche collaborateur du pape et de sa famille, notamment en tant qu’ambassadeur de Laurent de Médicis à Rome. Dès 1514, ses lettres révèlent des contacts fréquents avec le sculpteur Baccio Bandinelli ou l’orfèvre Caradosso. Léon X sollicita son expertise pour l’organisation de sa fastueuse entrée à Florence en 1515. L’année 1518 correspond à l’apogée de la carrière de Turini et à l’affirmation de son rôle de médiateur artistique. Dans l’effervescence artistique liée au mariage très stratégique de Laurent de Médicis avec la nièce de François Ier, la cour pontificale gratifia le roi d’une série de cadeaux diplomatiques. Parmi eux, quatre tableaux au moins furent commandés à Raphaël. Les lettres échangées avec le secrétaire de Laurent témoignent de l’ampleur des prérogatives de Turini, qui sut faire apprécier sa grande efficacité pratique. En contact permanent avec Raphaël et son atelier, il agissait comme une personne de référence, informant le duc de la progression des commandes et prenant même en charge l’envoi des œuvres vers la France. C’est ainsi qu’il obtint la très haute fonction de dataire apostolique, qui lui conféra un statut privilégié au sein de la curie. Loin d’être écarté de la sphère artistique, il se vit alors confier la responsabilité de mobiliser des fonds nécessaires à la construction de l’église nationale des Florentins à Rome. Cette nomination marqua aussi le début de contacts étroits et ininterrompus entre Turini et Raphaël. Fait significatif : c’est Turini que le grand artiste désigna comme son exécuteur testamentaire. Par la suite, Turini favorisa le travail des élèves de Raphaël auprès du pape, encourageant leur intervention dans les Stanze, et les employant au même moment à la décoration de sa propre villa. À son tour, Clément VII nomma Turini nonce apostolique et lui confia le soin de réceptionner le salaire de Giulio Romano pour son travail dans la Salle de Constantin au Palais du Vatican. Enfin, dans un geste ultime de fidélité envers ses principaux protecteurs, Turini supervisa la réalisation des tombes de Léon X et de Clément VII en l’église Santa Maria sopra Minerva. Une nouvelle fois, sa correspondance révèle un profil de véritable homme de terrain, et un personnage autoritaire et influent auprès des artistes.