ABOUT ME | Déclics…
Comme les armes modernes, « mon déclic » fut tiré en rafales. À l’instar d’Obélix, je suis tombé dans la marmite à ma naissance : avant de savoir écrire, mes cuisses de gamin étaient blessées par les cailloux, investis de rêves, mais cruellement déchirants au travers les poches trouées de mes courtes culottes. Les découvrir, les récolter, les « sentir », leur transmettre mes illusions, prit la place des jeux de billes et de foot, considérés avec méfiance. Les rôles joués par mes grandes sœurs ont peut-être allumé cette sensibilité et ce goût aux rêves, à la beauté. Cette enfance fut consolidée par un « parrain » cultivé, amoureux de la nature, des roches et des fleurs. Cette nature où je me réfugiais m’a offert une connivence compensatrice à la fréquentation humaine, ressentie comme vaguement triste.
L’adolescence fut plongée dans la musique, la philosophie et la littérature : toutes formes de beautés profondes où je me sentais nager, libre comme un poisson. Sartre, Gide, Brel, les Beatles, tous à la fois, offraient une consistance profonde à l’appel troublant vers la nature et la destinée humaine, par conséquent au passé pressenti dans les cailloux de mon enfance : pourtant aucun d’eux n’en parlait, comme s’ils étaient seulement aspirés vers le futur. Un sombre abîme devait logiquement se placer entre mes pierres et leurs beautés intellectuelles.
Plus de choix possible donc : à dix-sept ans je devais faire de la Préhistoire ! Les strates de l’enfance et de l’adolescence superposées constituaient un socle inébranlable. À la Faculté, la rencontre avec mon professeur, Hélène Danthine, puits de science et de sensibilité, fut explosive. Cette Dame d’un autre âge offrait toute sa passion, chargée d’une immense érudition, et sa personnalité rayonnante entra aussitôt en résonance avec la mienne, précisément parce qu’elle aimait aussi l’art, la pensée religieuse, la musique et la littérature.
Durant cette formation généreuse et stimulante, les rencontres avec André Leroi-Gourhan à Pincevent, François Bordes au Pech de l’Aze, Gerhard Bosinski à Gönnersdorf, Hallam Movius à Pataud, Semenov à Leningrad, Jacques Tixier à Ksar Aqil, et de plusieurs autres me firent oublier tout le reste des connaissances académiques. Plongé dans le bain à m’y noyer, il me restait à introduire la réflexion théorique dans tout cela, à savoir comprendre plutôt que seulement aimer. Le geste et la parole, âprement médité, m’y engagea d’emblée mais la fascination exercée par les avalanches de volumes lumineux comme ceux de Claude Lévi-Strauss, Mircea Eliade, Ernest Cassirer, André Malraux me poussèrent, via autant de « déclics », à grimper encore. L’accroche, subtile et parallèle, à la philosophie antique, aux conceptions religieuses orientales, l’attrait maladif aux voyages lointains, les chaleureux contacts avec les familles exotiques me montraient les voies du plaisir, de la tolérance et la saveur d’un passé aussi harmonieux qu’éternel. La préhistoire humaine était donc faite de cela : une succession de ces états, en parfait équilibre avec la nature et soi-même, via leur superstructure mythologique, à peine consciente, manifestée par les coutumes qui s’y accrochent, à travers les chants qu’elle suscite et grâce aux rêves, à la fraternité et à la chaleur qu’elle provoque, par à sa fonction rassurante.
Au fil du temps, notre recherche s’est développée selon un axe constant : l’apport de la Préhistoire humaine à la connaissance de la pensée actuelle.
Les données matérielles fournies par l’archéologie la plus rude reflètent, sous un mode symbolique, autant de plans de fonctionnement du cerveau, en quelque sorte « fossilisés ». Dès l’étape franchie entre l’observation d’un fait archéologique et le sens qu’il porte dans la conscience humaine, la constitution de nos sociétés est à la portée de chercheurs.
Le premier outil taillé contient déjà un processus d’anticipation où s’enclenche en cascades un dialogue entre la pensée et la matière. La succession d’actes apparemment limités aux techniques offre une logique manifeste par laquelle les lois du monde ont été successivement défiées. Ainsi, l’humanité s’est élaborée en opposition avec la nature, dont la sienne propre.
La spiritualité, les fonctions sociales, leur cohésion, les notions de traditions elles-mêmes trouvent leurs fondements dans un passé progressivement éclairé par ses traces matérielles, le plus souvent abandonnées inconsciemment. Leur cohérence apparaît dès leur alignement dans le temps, via les méthodes radiométriques. Notre démarche a donc consisté à établir les relais entre les structures anthropologiques actuelles mises en valeur par l’ethnologie et les mécanismes qui génèrent leur apparition et leur élaboration au fil du temps.
L’étude des arts préhistoriques fit l’objet de nombreux travaux, dont deux volumes et d’innombrables articles. Sans négliger l’impact émotionnel propre à de telles œuvres, les situant si près de nous, notre démarche a cherché à y définir des structures plastiques, aux fondements des codes utilisés lors de leur création. Cette approche sémiotique, d’application universelle, permet de distinguer autant les systèmes de valeurs traditionnels que leurs variantes, apparemment dispersées au fil des rituels. Au travers des jeux plastiques, l’idéologie d’un peuple surgit, selon des modes d’expression cohérents jusqu’aux images des dieux celtes ou germains qui en prolongent l’aventure. Une fois décodé, l’art offre mille secrets de la pensée mythique mais, rendue sous forme matérielle, elle perpétue l’action, rend sa magie permanente.
De nombreuses fouilles, menées à l’étranger sur les cinq continents ont permis de rassembler des informations renouvelées sur les mouvements culturels à long terme : les échanges avec l’Afrique ou l’Asie. Mais aussi des travaux plus théoriques sur les arts américains et polynésiens. Nos activités scientifiques s’étendent à la direction du Centre de Recherche sur les civilisations préhistoriques européennes (Union Internationale des Sciences Préhistoriques). Nous représentons le Benelux à la Commission 8 de l’UISPP, Le Paléolithique supérieur en Europe, (UNESCO) et la Belgique auprès du « Conseil permanent » et du « Comité exécutif » de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques à Paris.
Nos travaux les plus fondamentaux ont porté sur la nature, l’origine et l’évolution du phénomène religieux, véritable constante de l’esprit humain, en perpétuel défi avec les forces naturelles et contre sa propre destinée. De telles préoccupations apparaissent dès les origines de la conscience, dont elles constituent en quelque sorte, le contre-pied : ce qui n’est pas accessible par la pensée, le devient par le mythe. Tout acte apparemment profane et technique participe à un échange avec l’univers, et les expressions dépouillées de leur rôle technique (trophées, sépultures, arts) forment comme une sublimation matérielle de tout ce monde du rêve. Ainsi, les plus humbles outils sont-ils porteurs d’un certain « style » ethnique qui est en fait la réponse d’un groupe social au défi lancé par sa condition éphémère. L’histoire des mouvements religieux retrace en réalité l’évolution de la pensée en marche. Son déroulement possède une structure logique aux origines de chaque grande modification de l’histoire humaine : feu, outils, sépultures, arts, sédentarité, agriculture, écriture. La notion de religion, une fois structurellement définie, explique et justifie toute l’évolution des sociétés humaines.
Nous abordons la Préhistoire de notre continent à partir d’une problématique uniforme fondée sur des données renouvelées. Très actif dans cette nouvelle connaissance trop souvent réservée aux chercheurs d’outre-Atlantique. Par ailleurs, l’édition d’une revue scientifique, Préhistoire Européenne, à Liège puis à Paris, en collaboration avec L’Anthropologie, permet d’établir des contacts avec tous les pays du continent. Rencontres, publications et fouilles sur le terrain, tant en Préhistoire que dans les périodes historiques, sont donc autant de moyens combinés utilisées pour produire une recherche originale et fructueuse où l’Université de Liège, Belgique, occupe une place prépondérante. Nous nous sommes concentrés sur la réalisation de synthèses, notamment publiées en tant qu’éditeur dans la prestigieuse Encyclopedia of Global Archaeology, Springer, 2014.
À l’initiative d’une série de rencontres internationales organisées à l’Université de Liège, nous visons à confronter nos découvertes à celles produites par d’autres laboratoires et d’atteindre une intégration générale à caractère historique. La plus récente de ces rencontres est le colloque de la Commission 8 de l’UISPP, Union Internationale des Sciences Pré- et Protohistoriques, en son XVIIe Congrès qui s’est tenu à Burgos, Espagne, en septembre 2014.
Directeur du C.I.R.A., Centre Interfacultaire de Recherches Archéologiques, du Centre de Recherches sur les Civilisations du Paléolithique supérieur européen, et du Musée archéologique de l’Université de Liège, nous assurons également la présidence du groupe de contact « Préhistoire » du F.N.R.S.
Directeur de chantiers, membre du comité de rédaction de prestigieuses revues (Archeologia Venatoria, Tübingen, Allemagne ; National Science Foundation, Washington, U.S.A. ; Trabayos de Prehistoria, Madrid, Espagne ; E.R.A.U.L. – Études et Recherches Archéologiques de l’Université de Liège), il dirige, depuis 1992 la revue L’Anthropologie, Paris. Également membre de l’Australian Rock Art Research Association, Darwin, Australie; European Association for Near Eastern Archaeology, Jérusalem et International Association for the study of Anthropology and Archaeology, Tel Aviv, Israël; Russian Archaeological Society, Saint-Petersbourg, Russie; Paleoanthropology Society, Washington et Society for American Archaeology, Chicago, États-Unis.
Marcel Otte étudie principalement les échanges culturels à l’intérieur du continent européen durant la Préhistoire ancienne (Paléolithique) ainsi que les mouvements liés aux aires géographiques proches, telles que l’Afrique du Nord, l’Anatolie et la Sibérie occidentale. Sous sa direction, plusieurs travaux de terrain sont entrepris en Iran, Turquie, Crimée, Moldavie, Roumanie, Portugal et au Maroc. En Belgique, Marcel Otte poursuit un programme de recherche visant à la mise en valeur de la Préhistoire des sites wallons, dont la grotte Scladina à Sclayn, Chaleux, Trou Magrite et Bois Laiterie, site de plein air de Maisières-Canal et village néolithique à Alleur–Domaine Militaire.
Titres universitaires
Docteur en Histoire de l’Art et Archéologie, 1976, Université de Liège
Agrégé de l’Enseignement moyen, 1971
Licencié en Histoire de l’Art et Archéologie, 1970, Université de Liège
Fonctions
De 2014 à aujourd’hui, Professeur Ordinaire Émérite, Université de Liège
De 1990 à 2014, Professeur Ordinaire, Chef du Service de Préhistoire, ULg
De 1982 à 1990, Professeur, ULg
De 1977 à 1982, Chargé de recherches FNRS
De 1973 à 1977, Aspirant FNRS
Établissement scientifique de rattachement
Bourses et prix
Docteur honoris causa, Université Valahia de Târgoviște, 2006
Lauréat du Prix “Comte de Launoit”, 1981
Lauréat du concours des Bourses de voyage du Ministère de l’Éducation nationale, 1977
Bourse de la Fondation C. Hela, 1971-1973
Bourse de spécialisation du Patrimoine de l’Université de Liège, 1970-1971
Membre de comités de rédaction de revues
- Comité scientifique de la revue L’Anthropologie, Paris, représentant pour la Belgique.
- Comité de Rédaction Archeologia Venatoria, Tübingen, Allemagne.
- Comité de lecture du National Science Foundation, Washington, U.S.A.
- Comité Scientifique de la revue Trabayos de Prehistoria, Madrid, Espagne.
- E.R.A.U.L. – Études et Recherches Archéologiques de l’Université de Liège, direction depuis 1982 (142 volumes parus).
- Préhistoire européenne (Liège) : direction de la revue depuis 1992 (17 volumes parus) ; aujourd’hui, co-édition avec la revue L’Anthropologie (Paris).
- Éditeur de Palevol, de la Revue de l’Académie des Sciences, Paris.
- Expert pour Antiquity, l’Agence National de la Recherche (France), pour Trabalhos de Prehistoria, Madrid.
- Membre du Conseil Scientifique au Museum National d’Histoire Naturelle, Paris, etc.
Participation à diverses sociétés
UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization)
- Expert ICOMOS, Conseil International des Monuments et des Sites, « Caves with the oldest Ice Age art« , UNESCO / ICOMOS 1965-2015
- Président de la Commission 8 de l’UISPP « Le Paléolithique supérieur en Europe » (UNESCO, Représentant du Benelux)
Europe
- Centre de Recherche sur les civilisations préhistoriques européennes, direction (Union Internationale des Sciences Préhistoriques)
- Union Internationale des Sciences Préhistoriques, Paris (représentant de la Belgique auprès du « Conseil permanent » et du « Comité exécutif »)
- Archéfilm, Liège (président)
- Archéologie andennaise, Andenne (administrateur)
- Ardenne et Gaume, Furfooz (administrateur)
- Association Liégeoise de Recherches Archéologiques (ASLIRA), Liège (président)
- Association pour la promotion de l’Archéologie de Stavelot et de sa région, Stavelot (président)
- Centre belge d’études karstologiques, Mons (membre)
- Commission royale des monuments, sites et fouilles de la Région Wallonne (expert pour l’Archéologie)
- Études africaines, Bruxelles (membre)
- Fédération des Archéologues de Wallonie (administrateur)
- Institut Archéologique Liégeois (administrateur)
- Institut Royal des Sciences Naturelles, Bruxelles (collaborateur scientifique)
- Les chercheurs de la Wallonie (membre)
- Le « Vieux-Liège » (administrateur)
- Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (représentant de l’Université de Liège dans le Conseil scientifique)
- Préhistoire Liégeoise, asbl (président)
- Projection archéologique sur le tracé du TGV (représentant pour l’Université de Liège)
- Société des Américanistes, Bruxelles (membre)
- Société de Recherche Préhistorique en Hainaut, Mons (membre)
- Société Royale Belge d’Anthropologie et de Préhistoire, Bruxelles (administrateur)
Allemagne
- Archaeologica Venatoria, Tübingen
- Human Evolution International Interdisciplinary Project, Tübingen
- Study Group on Music Archaeology, Hanovre
- Verein « Förderkreis der Forschungsstelle Altsteinzeit », Cologne
Australie
- The Australian Rock Art Research Association, Darwin
France
- Association Internationale pour l’étude de la Paléontologie humaine, Paris
- Comité International pour l’art rupestre, Foix
- Groupes de méthodes pluridisciplinaires contribuant à l’archéologie, Lyon
- Histoire scientifique et culturelle de l’humanité, UNESCO (représentant de la Belgique)
- Les comportements alimentaires au Paléolithique en Europe occidentale, Paris, Museum
- Musée de l’Homme, Paris (collaborateur)
- Union Internationale de Paléontologie humaine (représentant de la Belgique)
Grande-Bretagne
- The Archaeology of Central and Eastern Europe, Newcastle
- The British Museum Society, London
- The Royal Society, London
- World Archaeological Congress, Cambridge
Israël
- European Association for Near Eastern Archaeology, Jérusalem
- International Association for the study of Anthropology and Archaeology, Tel Aviv
Italie
- Centre universitaire européen pour les biens culturels, Ravello
- Instituto Italiano di Paleontologia Umana, Rome
Luxembourg
- Société de Préhistoire Luxembourgeoise (représentant de la Belgique)
Pays-Bas
- Language Origins Society, Leiden
Russie
- Russian Archaeological Society, Saint-Petersbourg
Suisse
- International Union for Quaternary Research, INQUA, Zurich (représentant pour la Belgique)
USA
- Paleoanthropology Society, Washington
- Society for American Archaeology, Chicago
Direction de chantiers
- Direction des fouilles au château médiéval de Saive en mai 1976, mai 1990, juillet 1991
- Direction des chantiers de fouilles de la place Saint-Lambert (de 1977 à 1983, et de 1989 à 1995)
- Fouilles aux grottes de Sclayn, depuis 1978
- Campagne de fouilles, Beit Allam, Egypte (avec la KUL), 1977-1978
- Direction du chantier de fouilles de l’ancienne église de Stavelot, de juillet 1986 à août 2000
- Direction des chantiers préhistoriques en Wallonie (Chaleux, Furfooz, Freyr/Waulsort, Modave, Profondeville, Huccorgne, Maisières, Alleur), depuis 1986
- Fouilles en Turquie (Karaïn et Öküzini), depuis 1988
- Fouilles au Portugal d’une grotte ornée paléolithique près d’Evora, de 1985 à 1993
- Fouilles en Roumanie, à Mitoc, d’un site du Paléolithique supérieur ancien, de 1992 à 1995
- Fouilles en Crimée, à Siuren I (Paléolithique supérieur et final), de 1994 à 1998
- Fouilles en Sibérie (région de l’Altaï, Paléolithique moyen et supérieur), en 1995 et 1996
- Fouilles au Kazakhstan (Paléolithique ancien), en 1996 et 1997
- Fouilles au Maroc (Paléolithique), de 2000 à 2002
- Co-directeur du chantier du Trou Al’Wesse, depuis 2003
- Fouilles en Iran (paléolithique supérieur) depuis 2004