Les Solutréens | 2018
Date de parution : 2018
Éditeur : Errance
Nombre de pages : 352
Format : 25 x 18 cm
ISBN : 978-2-87772-606-1
La civilisation solutréenne surgit, courte et dense, à travers les traditions classiques européennes entre 22 000 et 18 000 ans avant notre ère. Toutes ses composantes culturelles présentent à la fois une grande homogénéité et une opposition radicale avec les milieux qu’elle traverse. Arts, techniques, habitats, prédation atteignent des niveaux d’élaborations inouïs. Considérée à l’échelle européenne, son extension se limite à l’extrémité occidentale : Espagne et France. Mais son impact semble avoir été déterminant dans l’histoire ultérieure du continent, spécialement dans la formation du Magdalénien (Lascaux) qui s’étendra ensuite beaucoup plus largement.
L’art, l’anatomie, la faune, les savoir-faire et les régions d’influence, cet essai se veut exhaustif, s’attachant à décrire cette civilisation fondatrice et à en donner les clés de compréhension au scientifique comme à l’amateur.
INTRODUCTION
En Europe, les civilisations préhistoriques s’identifient clairement, suivant un rythme successif, selon une filiation culturelle cohérente. On y voit se succéder des traditions éblouissantes par leurs réalisations spirituelles, religieuses et artistiques. Elles furent toutes en étroite harmonie avec nos latitudes et avec les cadres écologiques à dominance steppique. Cette histoire est belle, car elle témoigne d’une infinité de performances, d’un total accomplissement, d’un parfait équilibre entre les audaces et les contraintes maîtrisées, selon des formules choisies par différentes populations qui s’y sont reconnues, puis élaborées. Par la géographie, en bout des terres émergées, l’Europe a de tout temps formé le creuset où se sont affermies des tentatives d’existence, conçues initialement dans ses marges – asiatiques ou africaines – comme si, précisément, ces défis et ces conflits symboliques en constituaient le moteur. Aussi est-il autant nécessaire de connaître l’histoire dans ces marges que de comprendre la nature des mécanismes qui s’y sont enclenchés. À toute aventure intellectuelle, il revient le double devoir d’assumer simultanément la connaissance et l’intelligence. Mais la Préhistoire humaine ajoute à ces obligations communes celle de définir la part laissée à l’action du temps sur un milieu culturel particulièrement complexe, et accessible via les seules voies biaisées par leur nature exclusivement matérielle. Ce “biais” peut être entendu favorablement, car nos traces restent vierges de toute intention initiale: elles se fondent sur des actions réellement opérées, et non sur de simples aptitudes universelles.
Le territoire européen se confond ainsi avec un vaste laboratoire où se concentrent des accomplissements historiques fulgurants, parfois ensuite exportés dans leurs stades de fonctionnement les plus performants, voire les plus conquérants. Ainsi pouvons-nous observer, dans ce creuset européen, ces mouvements expansionnistes – internes ou externes – agir comme effets secondaires dus aux succès de formules culturelles puissantes dont la pensée, les valeurs, les modes d’existence provoquaient la floraison démographique et dont l’audace spirituelle sollicitait le rôle compensatoire des migrations.
Les déplacements soudains des “hommes modernes” de l’Asie vers l’Europe ne sont rien d’autre que les traces actives du succès atteint par une formule, conçue bien auparavant et tout à fait extérieure à notre continent. Pourtant, seules nos régions ont par la suite connu les inouïes performances restées en germe dans leurs traditions originelles; elles ne pouvaient éclore que loin de leurs sources et en milieux contraignants. L’art plastique surgit de tels conflits de pensées, car il incarne une mythologie restée jusque-là dans l’abstraction orale. De tels mouvements affectent également les milieux intérieurs comme l’expansion magdalénienne occidentale, ou la prodigieuse explosion du gravettien en Europe centrale, celle du Sungirien en Europe orientale. Au milieu de ces bouleversements se déploie la fulgurance solutréenne […]
QUELQUES PLANCHES