Les plus fins analystes des mécanismes historiques font rarement entrer leur propre démarche dans le matériau qu’ils s’efforcent de reconstituer. Ils sont pourtant les auteurs de leur propre histoire. Ils laissent ainsi subir sur leur réflexion la force idéologique régnante, précisément celle dont ils suivent la piste dans les temps antérieurs aux leurs.

Plongés au cœur d’un combat « historique » pour la sauvegarde du passé de Liège, les archéologues, secondés des historiens, ont véritablement infléchi le cours des choses, spécialement durant le XX^e siècle : ils ont créé un chapitre supplémentaire à cette histoire principautaire, en perpétuel mouvement. Nous en avions pleinement conscience lors de l’enclenchement de cette épopée, en juin 1977. Une ferme volonté, toute tendue vers le « savoir », nous a fait prendre des risques physiques, civils et académiques, dont je ne mesurais ni l’étendue, ni l’âpreté, et dont le souvenir même me fait encore trembler, quelque quarante années plus tard !

Jamais alors je n’aurai imaginé devoir m’allonger entre la lame d’un bulldozer et un sarcophage carolingien, afin d’éviter son arasement ! Il fut tout de même anéanti, la nuit suivante, avec plusieurs autres déjà observés dans les profils de nos fouilles.

Plus rien n’y restait ! Jamais je n’aurai cru que tous les niveaux de pouvoir – communal, régional, national – eussent été contre nous ! Soutenus par la presse et la population et les élections toutes proches, les élites politiques ont dû vite comprendre que le vent avait tourné… Je vois encore ces politiciens versatiles changer d’avis devant l’importance des découvertes et l’intérêt spontané porté par la population liégeoise.